Mikaël, à 25 ans, tu as quitté le monde du travail pour
celui de l'écriture. Qu'est-ce qui a motivé ce choix ?
«
Il est toujours difficile de dire pourquoi on écrit. C'est
simplement que j'ai toujours eu tendance à écouter mes passions,
et qu'un jour à 25 ans donc, je me suis dit qu'il était temps
de tenter ma chance. J'étais dingue de cinéma et de littérature,
j'avais des idées en tête, et soudain, je me suis vu, plus
vieux, vivant avec le regret de ne pas avoir essayé de franchir
le pas. Alors j'ai tout arrêté pour écrire. J'étais encore
assez jeune pour faire cette " bêtise ", je n'avais pas d'enfant...
le risque était jouable. Je me disais qu'il serait temps,
plus tard, de faire marche arrière. Ce qui était faux, parce
que très vite, en organisant ma vie autour de l'écriture,
je me suis rendu compte que malgré toutes les difficultés
rencontrées pour en vivre, je ne pouvais plus m'en passer
! »
Jusqu'à
maintenant, ton travail s'est partagé entre l'écriture de
livres pour la jeunesse, de livres pour adultes dans des genres
aussi différents que la SF, le rock ou le polar, et l'écriture
audiovisuelle. D'ailleurs, ta production à paraître confirme
cet éclectisme. Qu'est-ce qui guide tes choix ?
«
Mes idées, tout bêtement. Ma passion, mon travail, consistent
à raconter des histoires, et donc, a en inventer. Les idées
sont ma matière première, ces " choses " miraculeuses qui
viennent d'on ne sait où, subitement, et qui n'ont aucune
existence deux secondes avant qu'on les ait eues ! Ensuite,
quand elles sont là, je les dirige naturellement vers l'une
de mes activités : livres pour la jeunesse, livres pour adultes,
films... Avec une idée viennent des images, des envies de
ton, et donc de genre. En tant que lecteur, que spectateur,
j'adore passer d'un genre à un autre. Alors pourquoi pas en
tant qu'auteur ? Il n'y a pas de genres nobles ou mineurs...
il n'y a que des bons ou des mauvais livres, des bons ou des
mauvais films...
A
propos des idées, justement. D'où te vient l'inspiration ?
«
De tout, de la vie telle qu'elle va autour de moi, de mes
lectures sans doute, de la presse, des films que je vais voir,
mais surtout de mes rencontres. Des autres. Un écrivain est
un peu un vampire ! Il se nourrit des autres, de leurs émotions,
de leurs défauts, de leurs qualités. Bref, de leur humanité.
Et puis le luxe de l'écrivain est de pouvoir s'attarder sur
les petites choses qui, d'ordinaire, sont balayées par le
passage du temps... de contempler, de se souvenir...
Vraiment, l'inspiration vient de tout, au point que parfois,
quand je vis quelque chose d'un peu pénible, me vient cette
idée perverse, en guise de consolation : " c'est pas grave,
un jour, je m'en servirai dans un bouquin ! " »
Parmi
tes livres parus à ce jour, cinq sont le résultat d'une collaboration
: avec ton ami Martin Veyron, pour Premier
de la classe, avec un copain pour L'ombre
de Mars et pour E-den
, avec un copain fan du Boss comme toi pour tes biographies
de Bruce Springsteen (Bruce
Springsteen et Bruce
Frederick Springsteen) ? Comment as-tu vécu ces expériences
et souhaites-tu les renouveler ? As-tu des projets ou y a-t-il
des auteurs avec qui tu souhaiterais écrire ?
«
Le travail avec Martin Veyron est différent des autres exemples
: il s'agit d'un album, et par définition, sauf si on est
soi-même illustrateur, ça se fait toujours à deux, celui qui
écrit et celui qui dessine. J'ai adoré travailler sur ce livre,
parce que Martin est mon ami, parce qu'il a un talent fou,
et parce qu'il compte beaucoup dans ma vie d'auteur. A 25
ans, si j'ai décidé de tout arrêter pour écrire, c'est en
partie parce que j'avais rencontré Martin, et qu'il était
le type le plus brillant, le plus humain et le plus passionnant
que j'avais rencontré. En plus, il m'apportait la preuve concrète
qu'on pouvait vivre de ses idées ! En fait, c'est ça, je me
suis dit : quand je serais grand, je veux faire " Martin Veyron
" !!
Mes autres expériences d'écriture à deux sont plus atypiques.
Il s'agit d'une collaboration pour un même travail : l'écriture
d'un texte. Dans les deux cas, j'ai beaucoup aimé ça. Mais
écrire un livre à deux comporte des avantages, comme des défauts.
Ce qui est très plaisant, c'est qu'enfin, on n'est plus tout
seul face aux problèmes rencontrés pendant l'écriture. Au
lieu de se tordre les mains pendant des heures face à la page
blanche, on téléphone au copain ! Ça, c'est vraiment très
confortable.
Dans la rubrique défaut, le principal est qu'il faut gérer
la sensibilité et l'ego de l'autre. Il n'est pas simple de
dire à quelqu'un qu'on n'aime pas son nouveau chapitre, ou
que telle phrase ne sonne pas juste ! De même, il faut savoir
recevoir les critiques de l'autre ! C'est pourquoi je pense
que ce type de travail à deux ne peut se faire qu'entre amis.
Ce qui a été le cas dans mes deux livres écrits à quatre mains.
»
Dans
tous ces domaines, ces genres, dont nous avons parlés, y en
a-t-il un que tu préfères ?
«
Difficile à dire. J'adore alterner le travail de scénariste
et le travail de romancier, par exemple. Ecrire un livre est
un travail très solitaire (sauf quand on le fait à deux, mais
c'est rare), et après avoir passé trois mois tout seul avec
une histoire, ça fait un bien fou de voir de monde, des producteurs,
un réalisateur... Ensuite, quand on ne peut plus voir ces
derniers en peinture, et bien on est content de se remettre
à écrire un roman tout seul ! Vraiment, pour moi, faire les
deux est un équilibre dont j'ai besoin.
Ensuite, pour ce qui est des genres : tout me plaît. Ce qui
compte, pour moi, ce sont les histoires, les personnages,
et les émotions qu'ils permettent de véhiculer. Avant tout,
j'aime inventer et raconter des histoires. Pour moi, autant
comme lecteur que comme écrivain, il n'y a pas de bons
genres et de mauvais genres de livres, mais seulement des
bons et des mauvais livres. »
Et
au final, qu'est-ce qui compte le plus pour toi : les livres
ou les films ?
«
Les livres. J'aime autant le cinéma que la littérature, je
crois, mais dans mon travail, les livres reflètent plus pleinement
ce que je suis. Quand j'écris un film, l'histoire devient
un jour celle d'un réalisateur, ce qui est normal. Et ce réalisateur
apporte ses propres émotions, ses propres goûts... il s'approprie
mon histoire pour en faire son film. A l'arrivée, un film
est un passionnant mélange de talents conjugués, de libertés
mais aussi de contraintes incontournables. Alors que je peux
tout revendiquer dans un livre : chaque mot, chaque intention.
Un roman est le fruit du travail d'une seule personne : l'écrivain.
C'est donc certainement dans ce domaine que mon travail d'auteur
est le plus complet et le plus authentique. Le plus libre,
surtout.
»
