EXTRAIT
de Coté dames
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Jusqu'à mes sept ans, je suis allé à
la piscine de ma ville une fois par semaine avec ma mère,
le samedi matin. Comme j'étais encore trop jeune
pour me changer tout seul, je l'accompagnais dans les vestiaires
des dames. J'y partageais avec elle une cabine d'habillage
et de déshabillage, puis passais par la douche commune.
J'étais un mignon petit garçon aux cheveux
bouclés, et toutes les femmes me trouvaient adorable.
Aucune, en tout cas, ne voyait en moi autre chose que ce
que j'étais effectivement : un enfant. Elles avaient
souvent un mot aimable à mon intention, de cette
voix de tête aux intonations maternelles que prennent
naturellement les femmes quand elles s'adressent à
un petit, et ébouriffaient parfois mes cheveux avant
de se doucher.
Celles qui étaient sur le chemin du bassin m'intéressaient
peu. Elles ne restaient que quelques instants sous la douche
avant de nager comme l'imposait le règlement. Ce
sont celles qui avaient terminé leurs longueurs qui
retenaient toute mon attention. Ma passion, devrais-je dire.
Car si ces souvenirs sont déjà anciens, des
images me reviennent encore nettement de ces femmes aux
bras levés, poitrine haute et palpitante, en train
de se shampouiner les cheveux, ou penchées en avant
pour se savonner une jambe puis l'autre à deux mains,
comme l'on se masse. Elles étaient jeunes ou mûres,
grandes ou petites, rondes ou fines. Certaines avaient un
large bassin, d'autres la taille osseuse. Il y avait de
fortes poitrines et d'étroites épaules, des
clavicules saillantes, des chevilles fines ou épaisses,
des ongles de pieds vernis ou non. À mes yeux, toutes
ces femmes étaient magnifiques. Des déesses.
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